Arnaud & Chloé
Chloé
le nargue avec délice. Elle s'assoit à la table de cet
inconnu même pas potable. Il s'agit juste de l'aguicher
tranquillement tandis que lui rumine quelle garce. Elle glisse sa
main sous le tee shirt du velu qui sirote un Martini. Elle caresse
son torse puis sa gorge, son menton mal rasé. La colère
le ronge tandis qu'elle lui jette des regards en coin. Il se
lèverait et saisirait son poignet : l'éloigner de la
scène où se joue la perversion. Mais ses jambes sont si
tendues qu'inamovibles.
Arnaud
ne supporte plus ces tortures que lui inflige sa soeur. Il voit
défiler tant d'hommes aux âges et physiques
divers. Cette inconstance le mine. Imaginer ces brutes caresser son
corps menu le hante à vomir. Les murs sont fins et mal isolés,
les gémissements nocturnes perpétuels écorchent
ses tympans autant que son coeur. Il décèle leur manque
d'application, les barbares gloutons viennent se repaître de
cette fraîche carcasse sans user de couverts. Les moyennageux
amants vont au râle aussi vite que faire se peut tandis qu'elle
endosse parfaitement son rôle d'écervelée facile
d'accès. Des êtres répugnants qui creusent sa chair
sans relâche ni douceur et la laissent là, remplie d'un
vide gluant, blanchâtre.
Arnaud
réveille Chloé chaque matin. Il ne s'habituera jamais à
cette effluve étouffante : ça lui prend la gorge alors qu'il
pénètre dans sa chambre. Lorsqu'il l'embrasse, qu'il
renifle la mauvaise sueur de la nuit putride, il manque de fondre en larmes. Seulement,
boys don't cry. Elle grogne un peu, ouvre lentement les yeux, offre finalement ses prunelles embuées. La tristesse de son regard
contraste avec son sourire satisfait. À table, elle le toise
continuellement. Lui scrute son assiette à peine entamée.
Les molles prestations des parents quant aux notes moyennes de Chloé
semblent dérisoires face au débridement de sa vie
nocturne. Arnaud songe sérieusement à fuir. Loin.
Abandonner sa cruelle et néanmoins fragile frangine lui semble
parfois une décision alléchante.
à suivre ?