Can you feel a little love ? Dream on, dream on...
Elle
déposa des baisers sur ses maxillaires tandis qu'il fixait un
horizon. Elle sentait qu'il était ailleurs, que ces tendresses
ne l'effleuraient qu'à peine. Elle balladait sa main gauche
sur sa nuque, caressait sa chevelure brune, libre et fournie.
Stoïque, il ne tressaillait pas. Elle inclina la tête sur
son épaule droite et l'entoura de ses bras impuissants,
tentative vaine pour le ramener dans ce monde.
– Tu
es froid.
– A
priori 37,5 degrés, rien de plus normal.
Il
se leva lentement, fermement. Ôta ses vêtements noirs un
à un, calmement. Nu, il marcha vers l'écume
tranquillement, déterminé. Il avança jusqu'à
ce que l'eau lui effleure les épaules puis ne bougea plus. Il
sentait les courants mêlés complexe, la faune aquatique
noctambule, la lune cruelle de compassion.
–
Non mais
qu'est-ce que tu fous, reviens, elle doit être glaciale!
–
Aucune
importance.
De
longues minutes s'écoulèrent. Le silence était
de mise. Il se décida enfin à sortir. Il se dirigea vers un
rocher plat et s'y assit nonchalemment, ignorant la serviette
de coton qu'elle lui tendait. Elle la jeta sur le sable, sans la
force nécessaire pour illustrer sa colère. Elle se
planta devant lui, qui fixait de nouveau un point lointain, impalpable,
invisible. Il était impassible. Elle le gifla de toute son âme
puis s'éloigna pour regagner la maison de ses grands-parents.
Elle avait un oreiller à inonder et pressa le pas.
Immobile,
il esquissa un sourire narquois.
Tu
ne m'es rien. Les onces d'effets que tu as pu provoquer jadis sur mon
estomac se sont dissipés il y a déjà longtemps.
J'ai dû te torturer pour t'en rendre consciente. Tu t'en
remettras plus facilement car dorénavant tu me hais. Je
conforterai cette idée : que tu me vois dès demain au
bras d'une poupée gonflable. Histoire d'être sûr.
Je pourrais alors m'en retourner à ces obsessions que tu juges
destructrices alors même que tu les comprends pas. Je vivrai
dans une dévotion sans limite. Je ne serai pas seul puisqu'ils
seront tout pour moi. C'est ça qui est sublime et
que tu ne peux admettre : ils
ignorent mon existence, la mienne leur
est consacrée. Adieu.
Il alluma
une cigarette et se rhabilla. Trempé, grelottant et pourtant
droit, imperturbable, il rentra chez lui à pied. Il s'enferma
dans sa chambre, prit la télécommande et pressa
« play » avant de s'écrouler sur son lit
moelleux, un sourire béat sur les lèvres.
Nul homme n'est une île